Sortir des sentiers (trop) battus

Sortir des sentiers (trop) battus

Nong Khiaw, un village dans le nord du Laos, à quatre heures de route de Luang Prabang. Paysages grandioses, nature exubérante : montagnes karstiques, rivière aux eaux calmes, forêts à perte de vue.

Nous arrivons à Nong Khiaw en début d'après-midi. Le trajet a été long sur les routes cabossées du Laos. Affamés, on s'attable dans une petite gargote qui sert de la nourriture indienne. La dame est seule pour tout faire. On comprend vite que nous allons goûter au fameux rythme lao dont on nous a parlé plusieurs fois. Une heure et demi pour être servis. La patience des enfants aura été mise à rude épreuve.

Ici, nous découvrons un Laos plus authentique, loin de l'autoroute touristique. Nong Khiew n'est pas dans les guides, pas dans le nôtre en tout cas. Et nous ne le lui souhaitons pas. C'est grâce à la blogosphère que les voyageurs y arrivent. Le long de la route principale se trouvent tout de même de nombreuses agences proposant treks, nuit chez l'habitants dans des villages de minorités, pêche et autres expériences. D'ailleurs, durant notre séjour, nous rencontrerons nombre de personnes que nous avons déjà croisées auparavant et avec qui nous avions échangé quelques mots ou passé quelques heures, dans le slowboat, dans un tuktuk, à Houei Sai ou au sanctuaire d'éléphants. Ce sont plutôt des voyageurs au long cours qui font ce détour. Au Laos, pas d'autoroute et très peu de routes au regard de la taille du pays. Effet goulot, une route concentre les touristes venant de Thaïlande ou ceux s'y rendant. Nous nous amuserons à comparer ce flux à une autoroute de fourmis : tout le monde restant sur la route principale, se dirigeant d'un point A à un point B. Et puis, de temps en temps, une plus petite route se dessine, menant certains sur un lieu moins fréquenté : Nong Khiaw.

En fin de journée sur les rues de terre du village, nous croisons de nombreux enfants nous lançant joyeusement un "sabaidee". Les adultes sont plus réservés mais les sourires se dessinent souvent lors d'un éhange de regard ou lorsqu'ils voient nos enfants. Ca nous change de Luang Prabang, où certains en ont peut-être assez de l'affluence touristique dans leur ville.

Après deux nuits passées ici, une randonnée vers un magnifique point de vue, une rencontre avec une famille belge venant du village à côte du nôtre (et on l'apprendra plus tard, doublement cousines issues de germain pour elle et moi), nous partons vers Muang Ngoy, accessible seulement par long tail boat en une heure. En chemin, nous nous arrêtons au petit village de Soplep? pour aller voir une cascade perdue dans la forêt. Pour nous y rendre, nous traversons un fantastique paysage de montagnes et de rizières, asséchées en cette saison, la récolte du riz ayant lieu en novembre ou décembre dans cette région. Les couleurs sont tout de même magnifiques, l'or des rizières brulées par le soleil, le vert de la forêt recouvrant les montagnes, le bleu des montagnes en arrière plan et celui du ciel. De retour au village, Félix va taper sur l'énorme tambour du temple, comme il l'a déjà fait ailleurs sans que personne ne lui dise quoique ce soit. Soudain, un homme surgit, fâché, et dit quelque chose en lao que nous ne comprenons pas. Nous nous excusons et poursuivons notre chemin. L'homme nous suit puis nous dépasse et, semblant toujours en colère, il dit quelque chose à chaque habitant qu'il croise. Nous sentons le poids du regard de chacun. Félix est dans ses petits souliers (moi aussi je ne suis pas très à l'aise). L'homme nous devance toujours en se dirigeant vers l'embarcadère, il veut aller trouver le pilote de notre long tail boat. Là, nous rencontrons un guide à qui il vient de parler et nous lui demandons ce que dit l'homme. Le guide nous explique que l'homme a eu peur car Félix a fait sonner le tambour qui est utilisé uniquement lorsque quelqu'un meurt dans le village. Il a eu peur que quelqu'un soit mort ou que ce soit de mauvaise augure. Le guide est bienveillant et nous rassure sur le fait que nous ne devons pas nous inquiéter. Nous nous excusons encore, les mains jointes devant le coeur et remontons vite dans notre bateau. Un sourire du guide et de notre pilote nous réchauffe le coeur.

Découverte ensuite de Muang Ngoy, dont la rue principal s'étend le long de la douce Nam Ou. Autour, les montagnes. Et la forêt de laquelle émerge le chant des oiseaux. Ici, pas de voitures, de temps à autre, un scooter ou un tracteur qui emmène du monde vers un village encore plus reculé, plus loin encore dans la montagne. Nous dégustons ce calme absolu, troublé de temps en temps par les aboiements des chiens ou encore les piaillements des poules en liberté dans le village.

Départ matinal dans la brume de Muang Ngoy

Chaque matin, la région s'éveille dans une brume épaisse, presque mystérieuse. Elle provient de l'évaporation de l'eau de la rivière et de l'évapotranspiration des arbres. Il fait même plutôt froid, nous avons besoin de notre polaire. On retrouve le soleil entre 10h et 11h lorsqu'il parvient à disperser les nuages.

Le lendemain, nous empruntons la route de terre qui permet d'accéder à plusieurs villages dans des vallées voisines. En chemin, nous allons explorer une grotte à la frontale. Les enfants jouent aux spéléologues. Soudain, une énorme pierre que nous pensions être fixe bascule lorsque Maëlie passe d'un côté et Noé de l'autre. Du côté de Noé, un précipice de quelques mètres. Tout va très vite. Pendant que la pierre bascule, j'ai le temps d'imaginer Noé se faisant écraser par la pierre. Heureusement, il parvient à l'éviter et se fait juste quelques bonnes égratignures à cause d'une seconde pierre qui dévale dans le précipice (les autres plus loin penseront que c'est quelqu'un qui tombe). Par contre, l'énorme pierre s'écrase sur le mollet de Maëlie. Elle hurle. J'essaye de la dégager mais impossible de relever la pierre. Mica, lui, y parvient heureusement. Un énorme oeuf tout bleu apparaît à vue d'oeil sur sa jambe. Je respire tout de même, Maëlie va bien malgré la grosse frayeur (je la voyais déjà, la jambe totalement écrasée). Plus de peur que de mal.

Après un temps de soins et de repos, n'étant plus très loin du premier petit village perdu, nous choisissons de poursuivre notre route après l'aval de Maëlie. Elle a mal mais parvient tout de même à marcher d'abord en s'appuyant soit sur Noé soit sur moi et puis seule. On se dit qu'on trouvera peut-être là-bas un de ces fameux tracteurs tuk-tuk. Une nouvelle vallée s'ouvre bientôt devant nous. Des rizières, asséchées en cette saison mais remplies de fleurs roses, des montagnes et puis derrière, encore des montagnes et puis, encore des montagnes. Magie... Une véritable vallée des merveilles s'ouvre devant nous. Félix m'a même dit que c'était encore plus beau que la France (et pourtant, on en voit de magnifiques paysages en France!). Je pourrais rester là des heures durant, à contempler ce paysage. La Terre est incroyable de beauté!

On s'installe dans une petite gargote à l'entrée du village de Ban Na avec un couple de retraités français avec qui nous passons un moment agréable. Nous faisons ensuite un tour dans le village dans lequel nous voyons de nombreux métiers à tisser sur lesquels les femmes créent de belles étoffes colorées. Nous dégotons finalement un tracteur tuk-tuk qui nous ramènera jusque Muang Ngoi.

Maëlie se sentant d'attaque, malgré sa jambe qui lui fait tout de même mal, nous partons à l'assaut d'un autre point de vue pour admirer le coucher du soleil. Encore une fois, beauté des paysages avec ces montagnes bleutés qui se superposent dans l'horizon. Le soir, nous allons manger au même restaurant que la veille, "Chez Lola", qui sert une cuisine lao vraiment savoureuse (Sep Lai comme on dit ici). Les enfants jouent avec les fils de la maison, à la pétanque pour les uns, au foot pour les autres. C'est gai de les voir s'amuser ensemble malgré la barrière (qui n'en n'est donc pas une) de la langue.

Mon coeur se pince de devoir déjà quitter ce bout du monde. Loin de toutes nuisances, la terre ici semble vibrer très haut. Le Sud du Laos nous attend, nous ne pouvons malheureusement pas prolonger notre séjour car nous avons réservé un train qui nous emmènera à Vientiane le lendemain.